André Furlan, une vie hors cadre

 

Actuellement, il expose les œuvres d’A. Legros./ Photo DDM, M.D.
André Furlan peut parler de William Blake pendant des heures. André Furlan peut raconter la vie d’Alphonse Legros, comme s’ils avaient partagé de bonnes soirées entre amis. Finalement, la personne dont André Furlan parle le moins, c’est André Furlan. Pourtant, en grattant le vernis, on découvre un amateur d’art qui méritait bien de se faire tirer le portrait, un homme qui a consacré sa vie à partager sa passion avec les autres.
Allers et retours entre Nérac et le reste du monde
Etonnamment, la vie d’André Furlan commence à Nérac, en 1958. étonnamment, car sa mère est venue y accoucher, dans l’enceinte familiale du Château Pierron, pour échapper aux épidémies qui sévissent à Madagascar, où sont restés les deux frères d’André et leur père, militaire. Le dernier né, ne restera d’ailleurs que 22 jours, sur les terres où se sont implantés les Furlan au début du siècle dernier, et, nourrisson, il entame un périple de 16 ans à suivre les traces de son père. Madagascar, le Congo, le Cambodge… il fait le tour de ce que l’on appelait alors «les colonies» et revient de temps en temps à Nérac, où il lui faut s’acclimater au pays et à ses habitants : «On vivait toujours dans des pays chauds, alors quand on revenait on était glacés», se souvient-il en riant. «Mais on avait tellement pris les habitudes des pays étrangers, qu’on faisait des choses que les autres ne faisaient pas. Alors qu’on était blanc et Français, on a eu des problèmes d’intégration et on nous appelait parfois les singes.» Le souvenir n’est pas agréable, mais avec le temps, les gens ont pris l’habitude de fréquenter le garçon et ses frères, tout simplement des enfants du pays mais qui n’y mettaient pas souvent les pieds, au pays.
L’art comme sacerdoce
Les retours au pays, n’ont d’ailleurs jamais duré bien longtemps. Bac en poche, André Furlan, repart aussitôt pour Capbreton, mener des études d’hôtellerie, pour se spécialiser en œnologie. «Mon père était un homme de lettres, mais enfant, quand je lui ai dit que je voulais faire une école d’art, il a refusé, parce que pour lui, un artiste vivait dans la misère.» Une déception pour André, héritier de deux grandes familles du Sud-Ouest et d’Italie où la culture avait pourtant une place d’importance. «Mais je pense que quelque part mon père était très militaire, il était resté dans la terre». Alors, faute d’apprendre l’Histoire de l’art, il apprend celle de la terre, si chère à la figure paternelle. Il se montre d’ailleurs brillant, mais profite de la fin de ses études et d’un service militaire effectué dans l’armée de l’air — où, encore une fois, «j’étais tout le temps en vadrouille à l’étranger» — pour réaliser son rêve et «vivre la Bohème à Paris pendant quatre ou cinq ans», comme il dit.
L’appel de San Francisco
L’aventure parisienne s’arrête lorsqu’une nouvelle aventure commence, amoureuse celle-ci. «Avec Harold, on s’est rencontrés un jour et on ne s’est plus quitté un seul instant», raconte-t-il pour présenter ce bel américain cultivé qui a partagé presque trente ans de sa vie. Ensemble, ils s’envolent pour San Francisco. Harold Dubin, créateur, cinéaste et producteur, est très impliqué dans le milieu culturel local. André lui, poursuit en autodidacte la mission qu’il s’est fixé : devenir spécialiste de l’histoire de l’art. Plus particulièrement, de William Blake. Car dans son déménagement, André emporte ses livres qui sont encore aujourd’hui dans les rayons de sa bibliothèque et ce vieux tableau, acquis par la famille il y a bien longtemps et qui trône au-dessus de son bureau d’adolescent. Ce tableau, c’est «The Beggar’s opera», l’œuvre qui a donné lieu à l’exposition de cet été. «Quand j’y pense, c’est fou. à l’époque je ne connaissais pas l’existence du tiroir secret. J’avais un manuscrit de sa main sans le savoir.» En fréquentant les campus des plus grandes universités américaines, il arrive à percer le mystère de l’artiste qu’il avait découvert des années plus tôt, en lisant d’abord sa poésie. En parallèle, il organise ses premières expositions à la cathédrale Sainte Marie de San Francisco. Des milliers de personnes viennent voir les œuvres d’artistes qu’il a sélectionnés. Et qu’il soit dans un grand centre culturel américain, ou sous le château de Nérac, l’amateur d’art n’a qu’une idée en tête : faire partager au plus de monde possible. Depuis son retour en 2011, c’est ce qu’il s’efforce de faire, aidé par son équipe sans laquelle il sait que rien n’aurait été possible. Alors bien sûr, il est étonnant à courir dans tous les sens pour parler des artistes dont il expose les œuvres, bien souvent tirées de sa collection personnelle. Les Néracais qui le côtoient, savent très bien qu’il est intarissable dès qu’il entend «William Blake», mais André Furlan n’y peut rien, l’art n’est pas qu’une simple passion : «Je ne peux pas vivre sans art, sans créer, sans partager.»
Michael Ducousso

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